D O C U M E N T A T I O N
Enquêtes de Régions, Les Pieds Noirs 50 ans après par france3provencealpes
Les Pieds Noirs, 50 ans après
Il y a 50 ans, l’Algérie devenait indépendante. Une guerre meurtrière, plusieurs centaines de milliers de victimes, prenait fin. Dans le même temps, pour près de deux millions de français c’était le début d’un terrible épisode : celui d’une fuite. Par bateaux entiers, les Pieds Noirs débarquaient dans le sud de la France avec souvent pour seuls bagages quelques valises. Bon nombre de familles avaient perdu un proche dont le corps, aujourd’hui, n’a toujours pas été retrouvé.
Ils ne furent pas toujours les bienvenus et l’adaptation à une nouvelle vie fut souvent difficile. Ces épisodes aujourd’hui encore très douloureux nous sont rapportés par ceux-là mêmes qui les ont vécus.
L’émission évoque aussi un épisode moins connu de l’indépendance algérienne, celui des « Pieds Rouges ». Ces hommes et ces femmes qui ont fait le chemin inverse et sont venus aider la jeune république algérienne à se construire.
A travers de nombreux témoignages, appuyés par le regard de spécialistes, ce nouveau numéro d’« Enquêtes de Régions » revient sur une page récente de l’histoire de France.
Invités Pierre DAUM - journaliste à Libération, chercheur et auteur de Ni valise, ni cercueil, aux éditions Actes Sud.
Jacques PRADEL - Président de l’Association Nationale des Pieds Noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA).
Trois reportages poignants illustrent ce quatrième numéro d’Enquêtes de Régions.
Diffusé le 25 janvier 2012
Sur France 3 Provence-Alpes et Côte d’Azur
HISTOIRE DES PIEDS NOIRS
RETOUR AUX SOURCES
"Des touristes Particuliers"
de A.Benmechta
du Quotidien "Libérté"
08/10/2009
À l'instar de Hacine, les autres communes de la wilaya enregistrent à intervalles réguliers la visite d'anciens colons qui effectuent le voyage en groupes ou individuellement.
"Cette visite dans mon pays natal, qui intervient après plusieurs années de tractations, constitue la réalisation d'un rêve qui couvait depuis 1962. Maintenant que mon vœu est exaucé, je peux mourir tranquillement."
C'est en ces termes que s'est exprimé, non sans pouvoir retenir ses larmes de regret ou de joie et qui ont eu pour effet d'émouvoir les présents, monsieur Cantet en (re) foulant le territoire de la commune de Hacine qui relève de la wilaya de Mascara où il s'est rendu en même temps que d'autres anciens colons qui ont préféré observer le silence. Revenu de ses émotions, M. Cantet a ajouté : "Outre-mer, on nous communiquait des informations qui sont loin de refléter la réalité, sans doute pour nous décourager à effectuer le voyage en Algérie. On nous a parlé de l'absence des mesures de sécurité ainsi que de la disparition de tous les cimetières chrétiens. Aujourd'hui que nous sommes sur place, nous constatons tout le contraire de ce que l'on nous débitait sur l'Algérie et à notre retour nous allons donner aux partisans de l'aspect négatif, preuves à l'appui, le vrai cliché de la situation qui est loin d'être alarmante." Lui emboîtant le pas, un autre sexagénaire natif de Dublineau, ancienne appellation de Hacine, n'a pas manqué de souligner : "À vrai dire, aucun Français d'Algérie n'a oublié ce beau pays et c'est à contre-cœur que nous l'avons quitté eu égard aux circonstances qui ont prévalu au lendemain de son indépendance. Certains sont restés informés de l'évolution de la situation car ayant noué et maintenu des relations très étroites avec leurs amis ou voisins algériens. Mais les informations circulaient entre les anciens d'Algérie établis en France regroupés au sein des associations d'une même région qui se rencontrent périodiquement afin d'échanger les nouvelles." À l'instar de Hacine, les autres communes de la wilaya enregistrent à intervalles réguliers la visite d'anciens colons qui effectuent le voyage en groupes ou individuellement. Leurs déplacements sont planifiés et minutieusement préparés et, pour parer à toute éventualité, ils s'entourent d'un maximum de précautions comme a tenu à le souligner Madame Gustave qui fait partie du dernier groupe composé seulement de trois anciens colons , deux dames âgées et d'un homme du troisième âge en visite à Tighennif au début du mois d'octobre seulement de l'année en cours. "J'ai voulu mettre toutes les chances de mon côté pour que mon voyage soit couronné de succès et m'éviter ainsi tout regret. Je ne vous cache pas que certains membres de ma famille m'ont déconseillé cette initiative car induits en erreur par ceux qui déforment la réalité. J'ai collecté toutes les informations liées à ce déplacement auprès de ceux qui m'ont précédée et j'ai recueilli leurs impressions et leurs avis, et le fait que tous dégageaient une satisfaction a constitué pour moi une motivation supplémentaire et influé davantage sur ma décision finale."
À Palikao, actuellement Tighennif, le trio des touristes particuliers a effectué une visite des principales artères de la ville puis a tenu à se rendre au jardin communal et au cimetière chrétien afin de se recueillir à la mémoire des parents décédés et enterrés au cours de la période coloniale. Madame Gustave a mis à profit cette opportunité pour visiter son ancienne habitation, vœu exaucé grâce à la compréhension des nouveaux locataires qui lui ont ouvert les portes.
Une fois à l'intérieur, la sexagénaire s'est replongée dans d'intarissables évocations de souvenirs ayant mis en exergue son enfance.Le groupe a visité la ville accompagné d'un jeune étudiant de la localité et les colons ont été invités par un citoyen à déguster du couscous maison, un plat qui a été très apprécié. Visiblement comblés et extrêmement satisfaits, les touristes ont quitté la ville en formulant l'espoir d'y retourner dans un proche avenir.
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RUBRIQUES SUR NOS FRERES FRANCO-ALGERIEN
Selon de récentes indications du président de la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie (CFCIA), M. Pierre Mourlevat. Il faut savoir que les pieds-noirs se sont rendus nombreux dans le pays ces derniers mois. Plusieurs raisons en sont à l'origine.
Il y a d'abord l'amélioration de la situation sécuritaire et l'émergence ensuite d'un tourisme de la mémoire. Par ailleurs, dans une déclaration faite, hier à Alger, le président de l'Association Algérie-France, M. Jean-Pierre Gonon a indiqué que le traité d'amitié entre l'Algérie et la France "doit venir concrétiser le renforcement de la coopération et de l'amitié entre les deux pays", et les Français "ne doivent pas attendre que ce traité soit signé pour aller vers cet objectif". S'exprimant lors d'une rencontre avec des journalistes au sein du pavillon des entreprises françaises participant à la 39e Foire internationale d'Alger, Gonon a ajouté que le but de son association fondée en juin 1963 "est de militer pour un partenariat économique" comme outil de renforcement des relations politiques entre les deux pays.
Cet objectif passe, selon M. Gonon, par la facilitation du déplacement des individus entre l'Algérie et la France. Il a appelé les autorités françaises à modifier "radicalement" les procédures d'octroi de visas d'entrée pour les Algériens comme préalable, a-t-il dit, à l'établissement du "partenariat d'exception" qu'elles prétendent vouloir établir avec l'Algérie. Il s'agit là de "l'une des revendications les plus essentielles" de l'association, selon M. Gonon qui a déploré au passage la manière "scandaleuse" avec laquelle les demandeurs algériens de visas sont traités, selon lui, par les services consulaires français en Algérie.
Parlant de la loi du 23 février glorifiant le colonialisme, l'intervenant a invité les autorités politiques des deux pays à ne pas "tomber dans le piège des provocations" montées par "quelques groupes de revanchards" qui tentent, à son avis, de faire croire que le peuple français "n'est pas mûr pour la réconciliation".
Expliquant les raisons de la participation de l'association à une manifestation commerciale comme la FIA, son patron a exprimé sa conviction que les entreprises économiques pouvaient constituer le "moteur essentiel" d'un partenariat global et durable entre l'Algérie et la France. Mais, souligne-t-il, "à condition que les entreprises françaises et particulièrement les PME ne considèrent plus l'Algérie comme un simple débouché pour leurs marchandises, mais un espace où elle vont trouver un partenaire pour investir ensemble et aller conquérir d'autres marchés".
S. T./APS Liberté
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Naissance d'une association des «pieds-noirs progressistes» anti-nostalgérique
Des Français et des Franco-Algériens se sont donné la main pour jeter les bases d'une «Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis». Une sorte de parade aux «velléités des nostalgiques de l'Algérie française» et du colonialisme.
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EXTRAIT DE ALGERIE WATCH
A contre-courant du forcing de la «nostalgérie»
Naissance d'une association des «pieds-noirs progressistes»
par L'un De Nos Correspondants A Paris: S. Raouf, Le Quotidien d'Oran, 5 juin 2008
Les initiateurs de la loi du 23 février 2005 ont dû imaginer une somme d'effets sauf celui-ci: susciter un sentiment pied-noir à contre-courant de la «nostalgérie».
Trois ans après avoir soufflé - par calcul électoral - sur les feux mal éteints de la guerre d'Algérie, les élus de l'UMP subissent un effet boomerang.
Des Français et des Franco-Algériens se sont donné la main pour jeter les bases d'une «Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis». Une sorte de parade aux «velléités des nostalgiques de l'Algérie française» et du colonialisme.
Charge symbolique forte, l'association a annoncé sa venue au monde voici quelques jours à l'hôtel de ville de Paris en présence d'historiens de la séquence coloniale (Harbi, Stora, Manceron). A l'initiative de la Ligue des droits de l'homme (LDH), ces derniers étaient venus débattre de l'imaginaire des pieds-noirs.
Une première depuis le dénouement du conflit, l'association vient rompre la logique qui a présidé jusque-là à l'organisation associative de la communauté des «rapatriés d'Algérie». Au risque de susciter l'ire des «nostalgériques» et de se les mettre à dos, l'»Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis» entend peser dans le débat miné sur la page algérienne.
«Face à la persistance de la falsification, de la haine, de la violence visant à instrumentaliser les mémoires», l'association estime urgent «de combler un vide qui permet à des associations de pieds-noirs nostalgiques ou, plus gravement, proches de l'extrême droite de parler, d'agir, de �'témoigner' au nom de tous les Français d'Afrique du Nord».
Le regroupement couronne des mois d'échanges et de rencontres sur fond d'agitation des partisans de la «nostalgérie» au rang desquels d'ex-activistes de l'OAS. Selon la déclaration statutaire mise en ligne sur le site de la section de Toulon de la LDH, l'association a choisi d'élire domicile à Perpignan, là même où les partisans de l'»Algérie française» ont choisi d'ériger le très controversé «mur des disparus».
Dans le registre des membres fondateurs, l'association compte des membres qui, depuis trois ans, se mobilisent contre l'édification de lieux de mémoires «nostalgériques». Outre des pieds-noirs, s'y côtoient le Dr Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah, assassiné par l'OAS en même temps que Mouloud Feraoun, de Max Marchand et de trois autres compagnons le 15 mars 1962 à Ben Aknoun, l'historien Ruscio Alain, la journaliste Rosa Moussaoui de l'Humanité, etc.
L'association se dit ouverte à tous les Français nés en Afrique du Nord désireux de «contribuer par leurs témoignages à faire connaître ce que fut la réalité des régimes colonialistes dans les pays qui les ont vu naître eux et leurs ascendants et auxquels ils portent un attachement que rien ne pourra entamer».
Au premier rang de ses objectifs, elle vise à «montrer que si les Algériens furent exploités et martyrisés, les pieds-noirs d'Algérie n'en furent pas moins, et bien que la majorité s'en défende, des victimes du colonialisme de l'Etat français». A l'opposé du discours «nostalgérique», elle entend rappeler «à partir du vécu et des réflexions de ses adhérents, confrontées aux travaux des historiens, que l'Algérie algérienne était inscrite dans l'Histoire».
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Le Monde Diplomtique (MAI2008)
"Sans Valises Ni cerceuil"
LES PIEDS NOIRS
Combien sont-ils ?
Sur le million de Français que comptait l'Algérie coloniale (pour neuf millions et demi de musulmans), cent cinquante mille sont partis avant 1962 et six cent cinquante et un mille pendant l'année 1962. Que sont devenus les deux cent mille pieds-noirs encore présents en Algérie en 1963 ? « L'histoire de ceux qui sont restés n'a pas été écrite », constate l'historien Benjamin Stora. Emprisonnés dans une histoire officielle dictée par le Front de libération nationale (FLN), les historiens algériens n'ont jamais osé s'intéresser à cette question. « Après 1962, il n'y a plus eu de nouvelles vagues de départs, mais un flux continu vers la France », soutient Bruno Etienne, lui-même présent en Algérie en tant que coopérant « pied-rouge (1) » entre 1963 et 1974. Des gens dont toute la famille et les amis étaient partis, et qui se sont sentis trop seuls. D'autres qui, ayant perdu leur clientèle, n'ont jamais réussi à relancer leurs affaires. Des vieux, aussi, dont les enfants vivaient en France, et qui, passé un certain âge, avaient du mal à s'en sortir seuls. « Dans les années 1980, le consulat incitait fortement toutes les personnes âgées à partir finir leurs jours en France dans des maisons de retraite », se souvient M. Roby Blois, ancien conseiller aux affaires sociales de l'ambassade de France en Algérie de 1984 à 1992. « Pourtant, j'ai connu tant de vieilles dames choyées par leurs voisins arabes comme jamais elles ne l'auraient été en France ! » Et puis, il y a tous ceux qui sont morts de vieillesse.
Selon la chercheuse Hélène Bracco, ils étaient encore trente mille en 1993. Puis la guerre civile larvée de la « décennie noire » a fait fuir un grand nombre de ceux qui étaient devenus des « Algériens d'origine européenne », particulièrement visés par les menaces des islamistes — sans qu'aucun n'ait cependant été tué (2). Aujourd'hui, les chiffres, difficiles à établir, diffèrent d'une source à l'autre. Ils seraient « autour de quatre mille cinq cents » selon M. Guy Bonifacio, président de l'Association des Français de l'étranger (ADFE) d'Oran, mais seulement trois cents selon M. Francis Heude, le consul français à Alger.
Pierre Daum
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